La fin du modèle économique Allemand ?

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Le modèle économique Allemand est souvent cité comme référence par tous les autres pays de l’Union Européenne. Malgré la morosité économique en Europe, l’Allemagne arrive à générer de la croissance de manière constante et son taux de chômage ne cesse de baisser pour s’établir autour des 5%. A première vue, l’Allemagne mérite son statut de référence économique en Europe. Pourtant, quand on regarde les chiffres plus en détail, l’économie Allemande est loin d’être un modèle économique de rêve…. 


La démographique Allemande, créatrice d’emplois



Voici un graphique montrant l’évolution de la population Allemande :


evolution population allemagne
On y constate que depuis 2004, l’Allemagne connait une décroissance démographique. Tous les ans, elle perd une partie de sa population. En 10 ans, elle a perdu plus de 3% de sa population et 2.25% entre 2010 et début 2015.

Faisons maintenant un petit rappel sur le taux de chômage. Pour que le chômage baisse, il faut soit que le nombre de chômeur baisse, soit que la population active diminue, ou les deux. On peut donc se demander quel facteur a entraîné une baisse du chômage en Allemagne ?

La chute du nombre de la population totale en Allemagne montre que le nombre de personnes en âge de travailler diminue. Tous ces retraités ne sont donc plus comptabilisés dans les statistiques du chômage. Résultat, le taux de chômage en Allemagne baisse mécaniquement. On constate d’ailleurs que la baisse du chômage en Allemagne à démarrer au même moment que le début de la baisse de la démographique. Drôle de coïncidence…. comme le montre le graphique ci-dessous montrant l’évolution du taux de chômage en Allemagne (Source Natixis…) :


taux chomage allemagne france
La baisse intervient justement à partir de 2005. Attention, je ne dis pas que la baisse du taux de chômage en Allemagne est uniquement du à la hausse du nombre d’inactifs. De nombreux autres facteurs peuvent l’expliquer. La baisse démographique est simplement un facteur aidant à la baisse du taux de chômage. En revanche, grâce à cela, l’Allemagne a besoin d’un taux de croissance moins important pour faire baisser son chômage par rapport à la France par exemple (qui elle connait une croissance démographique). Si on regarde le nombre d’emplois crée sur une même période de temps, on constate d’ailleurs qu’il n’y a pas une différence aussi marquée qu’on pourrait le penser. Sauf qu’en France, le taux de chômage explose. La encore, ce n’est pas l’unique facteur explicatif, loin de la !


La précarité en Allemagne, créatrice d’emplois



L’Allemagne est très différente de la France au niveau du code du travail. L’Allemagne à des règles beaucoup plus souples qui conduisent de nombreux travailleurs à un chômage partiel et à la précarité. Voici les principales différences entre la France et l’Allemagne :

- Pas de salaire minimum : L’instauration d’un salaire minimum vient toujours d’être votée en Allemagne, fixant le taux horaire à 8.5€ de l’heure. Cela fait suite à une pression grandissante de la population. On estime à 4.4 millions le nombre de prestataires de l’allocation minimum appelé Harz IV. En France, le chiffre n’est que de 2.3 millions de personnes pour le RSA. Il faut savoir que 1.4 millions de travailleurs touche moins de 5€ de l’heure en Allemagne et on arrive à 4 millions si on compte ceux qui touchent moins de 8.5€ de l’heure. C’est tout de même 10% de la population active…. Et parmi les créations d’emplois en Allemagne, une bonne partie a concerné des emplois non qualifiés justement sous payés…

- Flexibilité du travail : L’Allemagne a préféré réduire les heures travaillées des salariés plutôt que le mettre au chômage. Cela explique la faculté des entreprises Allemandes à s’adapter à la conjoncture économique. Lorsque les carnets de commande se remplissent, ils augmentent le nombre d’heure de leurs salariés et les diminue en cas de conjoncture défavorable. Pour les entreprises, c’est un cadeau du ciel mais du point de vue des salariés, c’est beaucoup de temps partiel subi et une santé financière fragile. 

Ces deux éléments (flexibilité du travail et bas salaires) font partie des réformes Hartz qui ont été mise en place en 2004, date ou le taux de chômage en Allemagne a commencé à baisser…. Ces réformes ont permis aux entreprises Allemandes de créer des emplois plus facilement et à moindre cout et donc de faire baisser le taux de chômage. Mais ce plein emploi cache en fait une réalité tout autre, avec une forte hausse de la précarité et de la pauvreté en Allemagne parmi les salariés.

Avec l’instauration du salaire minimum, beaucoup de secteurs d’activités très dépendants de la conjoncture économique vont être lourdement pénalisé. Au lieu d’avoir plusieurs employés à temps partiel, les entreprises vont certainement choisir d’avoir des employés à temps plein. Dans d’autres cas, les entreprises vont également licencier du fait de la hausse brutale du cout du travail. L’institut de recherche économique Allemande IFO estime que 900 000 emplois pourraient disparaître, dont 340 000 à plein temps. Ce ne sont que des estimations mais en tout cas la plupart des économistes anticipent de nombreuses destructions d’emplois. Le plein emploi est d’ailleurs uniquement atteint dans les pays ou la précarité des salariés est la plus forte. Au niveau social, c’est une grande avancée pour les salariés mais d’un point de vue économique, pas sur que l’Allemagne sorte indemne de cette réforme sur le salaire minimum…. 


Le faible [/large]coût de la vie en Allemagne, créateur d’emplois



Du fait du faible cout du travail en Allemagne avec les réformes Hartz, les entreprises ont pu préserver des prix bas pour les consommateurs Allemands. A titre d’exemple, il est courant en dans les grandes villes Allemandes (Berlin, Munich…) de trouver des coiffeurs proposant des coupes hommes pour 12€. A Paris, si vous trouvez un coiffeur à – de 20€, vous pouvez vous estimer heureux. C’est la même chose pour de nombreux autre produits et services. Du coup, cela favorise la consommation intérieure en Allemagne. Tous les secteurs d’activités en profitent.

Mais ce qui a permis aux Allemands de conserver un fort pouvoir d’achat, c’est le faible cout des loyers. La bas, il n’y a pas eu de bulles immobilières comme en France. Cela s’explique par la baisse démographique en Allemagne. La demande est plus faible chaque année ce qui continu de maintenir les prix bas. Le logement, c’est l’un des principaux postes de dépenses pour les ménages. Si la part des revenus allouée au logement est plus faible, cela favorise mécaniquement la hausse de la consommation. Une hausse de la consommation est génératrice d’emplois.

Avec les changements sur les couts du travail, il est très difficile de savoir l’impact que cela va avoir. D’un coté, il va y avoir certainement une hausse des prix du fait de la hausse du cout du travail ce qui pourrait réduire la consommation, auquel il faut ajouter une décroissance démographique. De l’autre, il y a la hausse du pouvoir d’achat avec l’instauration du salaire minimum mais qui pourrait être compensé par de nombreuses destructions d’emplois comme l’anticipe l’IFO…


La croissance en Allemagne, créatrice d’emplois



Après une récession de 5,1% en 2009, le PIB allemand a progressé de 4,0% en 2010, de 3,1% en 2011 et de 0,7% en 2012, de 0.4% en 2013 et de 1.4% en 2014. Sur 5 ans, la croissance moyenne a donc été de 2.45%. L’économie Allemande a largement surpassé les autres pays Européens et notamment la France. On ne peut donc que saluer ce résultat. Qui dit croissance économique, dit créations d’emplois. La croissance économique a donc été un des principaux facteurs de la création d’emplois en Allemagne.

Grâce aux reformes Hartz, les entreprises Allemandes ont gagné en compétitivité du fait de la baisse du cout du travail. C’est pour cette raison que leurs exportations se sont aussi bien portés ces dernières années. Si vous alliez à cela la chute de l’Euro qui relance la compétitivité des entreprises de la Zone Euro, les entreprises Allemandes ont ainsi pu gagner de grosses parts de marché dans le monde. Cela a notamment été le cas avec l’industrie automobile qui représente près de 20% de l’industrie Allemande….

Mais cette croissance est aujourd’hui remise en question avec la réforme sur l’instauration d’un salaire minimum qui va faire décoller le cout du travail en Allemagne. L’industrie risque d’être le secteur d'activité le plus touché puisque c’est la qu’on trouve de nombreux emplois non qualifiés. Les salariés peu qualifiés étant jusque la sous payés…

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Bundesbank a divisé par 2 ses prévisions de croissance pour 2015 pour la fixer à 1%. Et les prévisions de croissance sont historiquement toujours optimistes…. Même les autorités ne sont pas confiantes.

A plus long terme, l’Allemagne devra aussi faire face aux effets du Baby boom. Actuellement, la part des plus de 65 ans dans la population totale est de 22%. C’est en 2025 que la hausse de cette population va s’accélérer pour passer selon les estimations de 25% à 32% en 2035. Près de 1/3 de la population à la retraite…. C’est largement plus que dans les autres pays de la Zone Euro. Il va falloir payer pour financer ces retraites et le poids des charges supportés par les actifs va être un véritable fardeau. L’Allemagne pourrait en payer le prix fort….. 


Conclusion



L’Allemagne a connu une forte baisse de son taux de chômage mais pour des raisons diverses. Certes, la croissance économique a été générateur d’emploi mais au prix d’une précarité accrue et d’une augmentation de la pauvreté. Les réformes Hartz de 2004 sont le déclencheur du mouvement baissier sur le taux de chômage avec une flexibilité accrue du travail et une baisse des couts salariaux. Cela e engendré une hausse de la compétitivité des entreprises Allemandes et permis de générer de la croissance. Mais la nouvelle loi sur l’instauration d’un salaire minimum qui a été voté en Allemagne va redistribuer les cartes. On pourrait assister à la fin du modèle économique Allemand. 

De plus, la population en Allemagne est vieillissante, le pays est en décroissance démographique et cela pourrait à long terme lui couter son titre de première puissance économique en Zone Euro…. La crise des migrants que connait l'Europe actuellement est de ce fait une opportunité pour l'Allemagne. Accueillir des migrants est pour elle un moyen de lutter contre cette décroissance démographique.

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