Crypto-actifs et blockchain: quel avenir pour notre économie/société?

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La blockchain et les crypto-actifs préfigurent ainsi une révolution technologique majeure. Du fait de la désintermédiation, de nombreuses activités économiques commencent à être transformées (banque, assurance, transports,…) et de nouveaux outils de financement de l’économie voient le jour (ICO, security token).

Cependant, au-delà de ces concrétisations actuelles, c’est un nouveau paradigme économique et social qui est en devenir. La technologie ne cessant d’évoluer, de nouvelles fonctionnalités pourraient prochainement être disponibles, disruptant une fois de plus notre économie.

Les crypto-actifs et plus globalement la blockchain sont donc porteurs d’un avenir prometteur dont il est encore difficile de prendre toute la mesure. Il y a cependant fort à parier qu’au fur et à mesure du développement de la technologie, les crypto-actifs cessent d’être achetés à des fins spéculatives. Les euros se dilueront progressivement dans les places de marché, échangés de token en token jusqu’à être utilisés pour des services concrets.

Le rapporteur juge donc préférable que la législation structure le point de conversion entre monnaie-fiat et crypto-actifs tout en donnant un maximum de flexibilité à l’intérieur de l’espace blockchain, laissant libre cours à l’expérimentation.

À l’image de la vision schumpetérienne des grappes d’innovation, il s’agit d’expérimenter, pour continuer à innover.

Si le rapporteur – comme la majeure partie des acteurs auditionnés – a indiqué en début de rapport ne pas pouvoir préfigurer ce que sera la technologie demain, il est cependant intéressant de se questionner sur les perspectives que cela ouvre afin d’œuvrer au développement de celles qui pourraient contribuer à une évolution de notre société, en veillant à la préservation de l’intérêt général de tous les citoyens.


PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR À MOYEN TERME : LA CRÉATION DE CRYPTO-MONNAIES PUBLIQUES



La crise économique de 2008 par laquelle nous avons introduit ce rapport, marque l’avènement de la défaillance de notre système monétaire actuel. Pas assez transparent, dépassé par les nouveaux usages numériques et de trading,… les griefs sont nombreux. Cette crise, est aussi contemporaine de l’émergence du bitcoin et de sa promesse d’un nouvel ordre économique, porteuse d’une nouvelle relation de confiance.

Imaginons un instant que le système financier mondial fut alors fondé sur une technologie qui permettait de tracer les échanges et d’éviter les dépenses doubles. Une technologie qui garantissait de ne jamais amoindrir les conditions d’attribution de prêts (car le protocole serait constant) et de toujours donner accès à un service bancaire (même si les guichets étaient fermés, faisant fi de tout manque de liquidité). En bref, une monnaie publique, basée sur la blockchain.

C’est la promesse qu’offrent aujourd’hui les crypto-monnaies. L’émission de crypto-monnaie publiques, garanties par une banque centrale, pourrait permettre de pallier ces carences actuelles et retisser un lien direct entre la monnaie banque centrale et le citoyen.

Plusieurs problématiques se posent alors : quel taux de conversion ? Doit-il être stable avec la monnaie-fiat afférente ? Sur quel territoire ? Distribuée par qui et accessible comment ?

Quelques réponses peuvent être trouvées parmi les projets déjà portés dans plusieurs pays, dont au niveau européen. Le Fedcoin ou l’E-krona développée par la banque de Suède en sont deux fidèles exemples.

Dans le premier cas, il existe un projet théorique dans lequel la Federal reserve américaine serait la seule à même de créer des Fedcoins, et ceux-ci seraient convertibles à parité avec le dollar en espèces et réserves. La création (destruction) de Fedcoins n’interviendrait que si un montant équivalent d’argent liquide ou de réserves était simultanément détruit (créé). À l’instar des espèces, le Fedcoin serait ainsi décentralisé en termes de transactions et centralisé en termes d’offre.

La Banque centrale suédoise, dans le cadre de son projet eKrona, semble être allée un peu plus loin dans ses réflexions sur l’émission potentielle d’une monnaie banque centrale digitale ou central bank digital currency (CBDC), selon le vocabulaire employé par la BRI. La Suède est en effet confrontée à une diminution sensible de l’utilisation du cash, qui peut faciliter son remplacement par une monnaie digitale officielle.

Ces exemples soulignent que la création d’une crypto-monnaie d’État n’est pas fantasque et pourrait prochainement voir le jour. Les risques et problématiques – notamment en termes de fragilisation de la stabilité financière et des banques de second rang – ont largement été évoqués précédemment. Cependant, ceux-ci n’étant pas irrémédiables, la question principale reste : quels seraient les avantages d’une crypto-monnaie officielle ? Plusieurs aspects – en partie évoqués au cours de ce rapport – sont à noter, et sur lesquels le rapporteur souhaite revenir.

Une crypto-monnaie d’État permettrait tout d’abord d’introduire une unité monétaire sûre, convertible à parité fixe avec la monnaie classique, qui pourrait remplacer le cash et permettre à la banque centrale de mener des opérations de politique monétaire de manière plus directe. Il s’agirait ainsi d’une monnaie cryptographique fiduciaire, peu différente de la monnaie classique en dehors de ses formes d’émission et de circulation.

Une telle monnaie cryptographique officielle pourrait également jouer un grand rôle dans le financement de l’innovation. Cela permettrait aux acteurs lançant des ICO, par exemple, de pouvoir le faire en faisant appel à cette ressource numérique, ce qui éliminerait les incertitudes comptables et les risques liés à la volatilité des crypto-actifs « privés ». Au cours des auditions conduites par la mission, un certain nombre d’acteurs de l’écosystème se sont montrés conscients de ces avantages potentiels.

En outre, un contrôle public approfondi et l’utilisation de la blockchain devraient permettre de garder l’anonymat. Toutefois, en cas de problème ou de soupçons quant à des activités illégales, il serait possible de retracer facilement et entièrement toute utilisation de monnaie (ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle avec l’argent liquide). Si l’anonymat n’est pas jugé important, alors la plupart des bénéfices prêtés aux CBDC de détail pourraient être obtenus en permettant au public de détenir des comptes auprès de banques centrales, ce qui est techniquement faisable depuis longtemps, même si les banques centrales s’y refusent pour la plupart.

Une autre application pourrait concerner les CBDC de gros. Contrairement aux paiements de détail, l’accès aux systèmes de gros est restreint (limité aux institutions financières) car il nécessite des autorisations spécifiques. En particulier, l’opérateur central peut voir les transactions qui ont lieu dans les systèmes de paiement de gros. Par conséquent, les CBDC de gros présentent un intérêt si elles permettent des gains d’efficacité et une réduction des coûts de règlement. Certaines banques centrales ont expérimenté des CBDC de gros, mais aucune n’a encore annoncé être prête à adopter cette technologie.

Enfin, dans un monde de comptes individuels à la banque centrale, le taux payé sur les dépôts individuels deviendrait un outil de politique monétaire puissant. Les changements de taux auraient un effet direct et transparent sur les déposants. Et si la monnaie numérique de la banque centrale représentait une grande partie des transactions, les fluctuations de ces dépenses pourraient devenir une source utile de données en temps réel pour les décideurs. Un crypto-actif largement disponible et produisant des intérêts pourrait ainsi, en principe, renforcer le lien entre la politique monétaire et l’économie. Un taux d’intérêt lié au taux directeur peut placer un plancher sous les taux du marché monétaire. Les banques pourraient n’avoir d’autre choix que de répercuter les modifications du taux de la CBDC sur les déposants. Des taux négatifs seraient plus aisés à gérer, surtout si les billets à forte valeur faciale étaient abolis.

Là aussi, différents projets illustrant ces opportunités sont envisagés. Ainsi, la Banque centrale du Canada et la Banque centrale de Singapour ont respectivement mis au point les projets Jasper et Ubin simulant des systèmes à règlement brut en temps réel sur une plateforme. Ces deux projets transfèrent l’argent de la banque centrale à un registre distribué via un certificat de dépôt numérique. Ces deux projets ont démontré qu’il était possible de transférer de l’argent des banques centrales sur des registres distribués. Cependant, pour l’instant, les banques centrales des autres pays du G20 se sont accordées sur le fait que la technologie n’est pas encore suffisamment mûre pour être développée et les projets n’ont pas été mis en place opérationnellement par les banques centrales concernées. À terme, ces différents projets pourraient permettre de rendre la compensation et le règlement des titres plus efficaces et de réduire leurs coûts de rapprochement.

Autre initiative, le Dinero electronico équatorien propose un service de paiement mobile, dont les comptes sous-jacents sont proposés par la banque centrale aux particuliers. C’est un des rares exemples de comptes de dépôt proposé directement par une banque centrale.

Pour revenir sur le cas de la Suède, le projet se situe à la frontière entre un compte de dépôt banque centrale et une crypto-monnaie émise par banque centrale pour les paiements de détail. L’eKrona a vocation à être utilisée pour des transactions et transferts mineurs en termes de montants. Technologiquement, la crypto-monnaie semble être en mesure de résoudre les problèmes liés aux frais de transactions. En revanche, elle n’utilisera pas la technologie blockchain mais la technologie Tangle, également utilisée par l’IOTA, qui semble plus adaptée car moins consommatrice en énergie. Les options techniques ne sont cependant pas totalement stabilisées.

On le voit, une crypto-monnaie émise et gérée par un État, à côté de la monnaie légale ou en remplacement (total ou partiel) de celle-ci, contient les germes d’une transformation radicale du système monétaire traditionnel et de nouvelles opportunités. La technologie blockchain sur laquelle s’appuient les crypto-monnaies, pourrait réellement être un moyen de repenser le système bancaire sans perdre les bénéfices associés à un système monétaire hiérarchisé et unifié.

Ceci nécessiterait par contre de revoir non seulement la place des banques centrales mais également celle des banques commerciales. La mise en place d’un tel système nécessiterait également des investissements significatifs dans l’infrastructure physique et numérique ainsi qu’une réflexion approfondie en matière d’anonymat. De nouveaux chantiers, qui serviront bien au-delà de la blockchain et des crypto-monnaies, en faveur d’une réelle économie numérique.


PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR À LONG TERME : UN CHANGEMENT SYSTÉMIQUE



Autre perspective : la désintermédiation, plus globalement, de tout échange de valeur. Là où Internet a permis de désintermédier les échanges d’information, la blockchain poursuit cette démarche en s’intéressant à tous les secteurs économiques. À terme, il sera en effet envisageable d’octroyer une valeur numérique à tout type d’actifs, de biens ou de services, échangeables de pair-à-pair, de manière instantanée et sécurisée.

Nous voyons immédiatement l’intérêt d’une telle révolution. Elle permettrait à la fois d’apporter de la liquidité à des marchés qui en manquent aujourd’hui tels que celui de l’art ; de pallier les problématiques de droits de propriété telles que celle des droits d’auteur intervenue avec l’ère Internet ; et à tout individu de commercialiser ses données personnelles, ses biens ou de se faire rémunérer en échange d’un service en se passant d’intermédiaires tels que Uber, Airbnb, Amazon ou toute autre plateforme de mise en relation.

Sur ce dernier point, nous pouvons en outre imaginer que là où, aujourd’hui, l’accès gratuit à un site Internet était bien souvent contrepartie de la récolte de données personnelles à l’insu de l’internaute en vue de leur revente ultérieure, l’utilisateur pourra redevenir maître des informations qu’il souhaite partager ou non. À titre d’exemple, il pourra choisir de commercialiser les données enregistrées par l’un des objets connectés dont il fait usage – contribuant ainsi au développement de l’IoT (Internet of things) – en échange d’un avantage auprès de la société acquéreur. C’est notamment le projet que développe la société Embleema – auditionnée par le rapporteur et qui a lancé une ICO – qui entend révolutionner l’échange des données de santé et redonner au patient la possibilité de contribuer aux avancées et recherches médicales qu’il souhaite, en octroyant ses données personnelles aux établissements de santé et laboratoires de son choix, contre compensation.


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Au regard de la diversité des secteurs d’activité représentés sur ce graphique, force est de constater que toutes les activités primaires, secondaires et tertiaires pourraient y avoir recours, et en font déjà le pari. Les ICO pourraient devenir un mode de financement habituel des entreprises, parmi d’autres.

Au sein du secteur privé, une levée de fonds en crypto-actifs pourrait, entre autres, permettre de financer la recherche et le développement, mais aussi d’investir dans de nouveaux équipements. La flotte d’une compagnie aérienne ou de train serait ainsi renouvelée grâce à une ICO dont les tokens vendus donnent droit à un avantage sur les futurs titres de transport.

En théorie, rien n’empêcherait non plus les pouvoirs publics de recourir à une levée de fonds avec émission de tokens plutôt qu’à la dette afin de financer un projet d’intérêt général. Plusieurs acteurs auditionnés nous ont parfaitement illustré cette perspective en audition, parmi lesquels Pierre Noizat – fondateur de la plateforme Paymium – et Fréderic Laffy – président de la société Danae Human Intelligence, plateforme de titrisation d’œuvres d’arts grâce à des security tokens. Plusieurs domaines de l’action publique pourraient y avoir recours, résolvant une problématique actuelle de financement et recréant un lien étroit entre institutions et citoyens, dans les domaines suivants :

– Infrastructures : une collectivité souhaitant bâtir une piscine publique sur son territoire lancerait une ICO auprès de ses administrés afin d’obtenir les fonds nécessaires à cette construction. Les tokens vendus donneraient, eux, un droit d’entrée au futur au complexe pour les investisseurs.

– Logement : avec 16,47 milliards d’euros de dépenses publiques en 2018, le logement social est une charge importante pour l’État, bien qu’insuffisante vis-à-vis des résultats souhaités en termes de réduction de la précarité et du mal-logement. À ce titre, une diversification des financements est tout aussi souhaitable que nécessaire. La tokenisation des logements ouvrirait ce marché à davantage de liquidités tout en répondant à la demande d’investisseurs

– notamment étrangers – pour un produit financier sécurisé sur le long terme.

– Impôts : la blockchain peut théoriquement permettre de collecter directement l’impôt et d’affiner les politiques publiques. En effet, cette technologie garantissant davantage de sécurité, nous pourrions imaginer que les paiements dématérialisés, notamment par carte bancaire, y soient inscrits. Dès lors, il serait envisageable de collecter la TVA (en crypto-euros) au moment de la transaction et même, de corréler son taux au revenu du détenteur de la carte bancaire afin de le rendre dégressif.

– Politique : la tokenisation de l’économie pourrait en outre s’imposer comme garantie démocratique favorisant le renouveau politique. En effet, un groupe de citoyens souhaitant créer un parti politique et financer une campagne aux prochaines élections doit à ce jour solliciter un prêt auprès d’une banque privée. Craignant qu’il n’atteigne pas le score de 5 % permettant le remboursement des frais de campagne, la banque peut ainsi refuser l’octroi du prêt à ce parti. Dans ce cas, le recours à une ICO favorise à la fois la transparence dans le financement de campagne et l’indépendance vis-à-vis du secteur privé. Ici, la question de valorisation du token et du caractère pseudonymique se poserait toutefois au regard du respect du droit électoral.

– Identité numérique : La carte nationale d’identité est aujourd’hui largement utilisée comme garantie en de nombreuses occasions (achats importants, résidence dans un hôtel ou accès à certains espaces,…). L’État a ainsi été à l’origine d’un document de référence qui fait l’unanimité. Aussi, à l’heure du numérique, l’État ne pourrait-il pas de nouveau être prescripteur et créer les premières bases d’une identité numérique certifiée et sécurisée ? Ceci permettrait également de faciliter les échanges avec les citoyens, via l’accès à une plateforme où tous les documents officiels seraient transmis. Une nouvelle étape vers la numérisation de nos services publics serait alors engagée, complémentaire d’un réseau physique aux missions réorientées.

Ainsi, comme l’illustrent ces exemples, le concept de « tokenisation de l’économie », apporterait donc des éléments de réponse forts au désendettement des États, à la diversification des financements publics et à la modernisation de l’administration. Il donnerait également lieu à un renforcement de la démocratie et à un regain de souveraineté pour les citoyens. Des questions d’importance qui méritent l’attention et l’étude de toutes solutions éventuelles, y compris techniques.


VERS LA CRÉATION D’UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE EN FAVEUR DES INNOVATIONS DE RUPTURE



Créer une monnaie d’État pour participer à la disruption de notre modèle économique et sociétal ne peut cependant se faire sans inclure l’ensemble des citoyens. Si tous seront impactés et pourront en bénéficier, tous doivent aussi pouvoir en être à l’origine. Telle est la promesse du bitcoin, qu’il s’agit de pleinement remplir.

Aussi, au-delà des early adopters qui se sont professionnalisés sur le tas et des chercheurs qui se passionnent pour l’ovni numérique que constituent la blockchain et ses applicatifs, de nouveaux métiers verront le jour lors des prochaines années, auxquels la majeure partie de la population n’est pas encore préparée.

Le rôle du législateur est donc double : contribuer à l’émergence de nouvelles politiques publiques et activités innovantes, mais aussi accompagner la transformation et la préparation de chacun.

À cet effet, deux volets semblent capitaux : l’amélioration de l’information et la création de nouvelles filières de formation

Les analyses menées dans le cadre de ce rapport ont tout d’abord permis de révéler une problématique commune à l’ensemble des grands enjeux : le manque d’information et de formation, conduisant à des pratiques à risque et à une négligence de cet écosystème, alors qu’il pourrait engendrer les licornes de demain.

Ceci se vérifie par plusieurs témoignages, comme celui d’un investisseur qui a accepté de confier par téléphone les 24 mots de sa clé privée à une entreprise se révélant être malhonnête ; celui d’un entrepreneur qui souhaite réaliser une ICO afin de lancer un projet sans avoir monté de business plan ; ou encore celui d’une banque qui a fermé le compte d’une entreprise qui, partie outre-Atlantique, est devenue une des leaders du secteur.

Certains établissements scolaires se saisissent du sujet. Dès 2015, le pôle universitaire Léonard de Vinci proposait, par exemple aux élèves un parcours blockchain. Il nous a aussi été indiqué en audition que désormais, une grande partie des « hackathons » (75) organisés par les écoles 42 (établissements supérieurs d’autoformation de développeurs informatiques fondés par Xavier Niel, aujourd’hui au nombre de trois) portaient sur la thématique blockchain. En outre depuis peu, l’université de Toulouse-capitole propose également des formations intensives de quatre jours accessibles à tout type de publics. Cependant, ces initiatives sont encore trop rares. Aussi, le rapporteur préconise de :

Proposition 25 : Inclure des modules de formations à la blockchain dans le cadre des cours de technologie lors des études secondaires puis dans l’enseignement supérieur, avec à terme la création de filières dédiées.

La défense et la promotion de cet écosystème pourraient par ailleurs être renforcées, afin notamment de créer un interlocuteur global et permanent, notamment vers les institutions. Il existe déjà plusieurs associations réunissant des passionnés et acteurs du secteur, à dimension nationale et internationale – tels que le Cercle du Coin, Crypto Assets France, la Chain Tech… Cependant, celles-ci pourraient gagner à être davantage considérées par les acteurs institutionnels et législatifs. Aussi, le rapporteur propose de :

Proposition 26 : Créer une association de place de marché (nationale), à l’image de l’AMAFI pour les marchés financiers. Cette association réunirait l’ensemble des acteurs du secteur (entreprises d’investissement, des établissements de crédit, des opérateurs d’infrastructures de marché), afin de constituer un espace de dialogue permanent entre tous, et préfigurant les prochaines avancées législatives et réglementaires, via des groupes de travail dédiés.

Exemples de premières thématiques de travail : création d’un KYC partagé, réflexion sur le lancement d’un incubateur public, etc.

• La mise en place d’investissements publics conséquents en termes de recherche et d’innovation.

Le Gouvernement a déjà fait ce pas concernant l’intelligence artificielle (IA). Dans le cadre d’une prise de parole inédite sur le sujet, le Président de la République a annoncé, le 28 novembre 2018, la mise en place d’un plan d’investissement de 300 millions d’euros sur quatre ans en faveur de l’IA.

Bien que salutaire, cette annonce semble insuffisante au regard du retard que nous accusons en la matière. La marginalisation paradoxale subite avec l’essor d’Internet semble poindre de nouveau. Afin de mettre toutes les chances de notre côté pour un développement ambitieux de la blockchain et des crypto-actifs, un changement culturel doit s’opérer à l’égard des nouvelles technologies. La France doit être en capacité de passer d’une économie de rattrapage à une économie de l’innovation. Pour cela, elle doit engager de véritables politiques publiques en faveur de cette innovation de rupture. Ainsi, le rapporteur préconise de :

Proposition 27 : Ériger la blockchain en filière prioritaire bénéficiant du Fonds de l’innovation et de l’industrie (FII) aux côtés de l’intelligence artificielle, du véhicule autonome, de la bio-production et de la nanoélectronique.


AGIR AU NIVEAU EUROPÉEN ET INTERNATIONAL



Du fait de l’extraterritorialité tant d’Internet que de la blockchain, définir un cadre ambitieux au niveau français ne sera pleinement efficace que s’il est en adéquation avec un cadre européen équivalent.

En effet, comme déjà largement évoqué, avec la blockchain, un utilisateur français peut acheter des crypto-actifs sur une plateforme dont le siège est à Hong-Kong, de manière instantanée et sans difficulté. Aussi, il est en effet essentiel que les pays – au moins européens - travaillent de concert à l’encadrement des crypto-actifs. S’échiner à être attractif au prix de disparités réglementaires conduira de manière imparable à la défaite de tous.

L’emphase mise par le G20, réuni en Argentine fin 2018, sur les crypto-actifs est la démonstration d’une prise de conscience à ce sujet. Un accord a d’ailleurs été signé entre les pays afin de s’engager à limiter les risques liés aux crypto-actifs pour le secteur financier : « nous intensifierons nos efforts pour que les avantages de la technologie dans le secteur financier puissent être exploités tout en atténuant les risques. Nous réglementerons les actifs cryptographiques pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme conformément aux normes du GAFI et nous envisagerons d’autres solutions, si nécessaire. »

La thématique des crypto-actifs s’invitera à nouveau aux débats du G20 lors du sommet d’Osaka à l’été 2019 et une charte définitive de recommandations est attendue pour l’année 2020. Ce sujet pourrait aussi être largement abordé dans le cadre du G7, qui se tiendra en France en 2019 également, si les pouvoirs publics optent pour la défense d’un modèle ambitieux en la matière.

Cependant, le rapporteur estime qu’il est aussi essentiel de porter une voix européenne forte et de se saisir du contexte électoral et commercial actuel au niveau européen pour mettre ce sujet sur le devant de la scène.

La blockchain et les crypto-actifs offrent de nouvelles potentialités à l’Europe du numérique et à l’Europe de la protection des données, que l’on a pour l’instant timidement engagées, du fait de la frilosité de certains États.

Comme évoqué précédemment, la Commission européenne et le Parlement sont pour l’instant davantage sur une ligne visant à prévenir les risques. L’audition de Gilles Babinet (Digital Champion pour la France auprès de la Commission européenne) – reçu à l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’information commune sur les chaînes de blocs dont les rapporteurs sont les députés Laure de la Raudière et Jean Michel Mis – dans le cadre de laquelle fut abordé le renouvellement de la régulation « Antitrust » (76) en témoigne. Celle-ci permettrait en effet de réduire la concentration économique aujourd’hui constatable avec le développement de la blockchain, des foyers prenant racine dans des pays davantage favorables.

Cependant, ne serait-ce pas l’occasion de proposer plutôt la création d’un modèle européen partagé ? Pourquoi ne pas proposer une généralisation, au niveau européen, du label ICO et pour les intermédiaires – inédits – adoptés dans le cadre de PACTE ? Ces options sont actuellement étudiées par l’EBA et l’ESMA mais nécessitent un soutien politique fort. Pourquoi ne pas également s’entendre sur des bases de KYC ainsi que, à plus long terme dans un projet global de convergence fiscale, sur un taux commun de taxation des crypto-actifs ? Là, tout est à construire.

En cette période de guerre médiatique et législative européenne avec les GAFA sur des questions de RGDP, dans laquelle ces derniers ont pris une avance notoire, la blockchain et les crypto-actifs pourraient donner l’occasion à l’Europe de redevenir précurseur. Les GAFA préparent déjà leurs crypto-monnaies : à l’Europe de les devancer. La possibilité de rebattre les cartes et d’imposer nos propres règles, justes, en accord avec nos intérêts économiques et nos valeurs sociales, est aujourd’hui ouverte. C’est à ce titre que le continent doit impulser de manière homogène une vision réglementaire pour les crypto-actifs. La France peut en être le moteur.

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